Nécessairement, la
révélation prend la forme d'une ascension ; et nécessairement aussi l'ascension
et la révélation sont l'une et l'autre progressives. Car chaque niveau
successif de descente pour le Divin est pour l'homme une étape de son ascension
; chaque voile qui cache le Dieu inconnu devient pour l'amant de Dieu et le
chercheur de Dieu un instrument de Sa révélation.
Sri
Aurobindo , La Vie divine, chp. 6 L'homme dans l'univers
Dans le processus d'intégration de l'éveil, plusieurs éléments sont à prendre en compte. Dans la perspective d'une intégration, trois piliers principaux de sagesse sont à développer: Humilité, sincérité, discernement.
Par éveil, s'entend
l'éveil à la réalité de l'Absolu en tout et partout. Par intégration,
s'entend la capacité de vivre le plus complètement, et le plus harmonieusement
possible dans notre vie quotidienne le processus de croissance spirituelle, et
d'en intégrer les illuminations au plus profond de l’Être. Résistances, peurs,
frictions internes, sous-personnalités, orgueil, déni, apitoiement sur soi,
découragement, inflation de l'ego, etc. sont autant de données de la conscience
que nous devons identifier, accueillir et transformer pour une plus grande
complétude de notre réalisation spirituelle.
Toute l’attention doit
être tournée vers le Divin, par le procédé mental cela s’accomplit en fixant
son esprit sur la perception du divin en tout et partout, en sentant et
percevant la présence permanente dans l’impermanence, en faisant l’effort par
la volonté mentale d’établir un contact le plus souvent possible si ce n’est à
chaque instant.
En ce sens, ce que l’on
appel l’attachement doit être vaincu, non pas parce que cela a une quelconque
valeur morale de le faire, mais parce que l’attachement oriente le mental et
l’esprit vers tout autre « objet » que celui à accomplir : le
divin. L’attachement c’est la fixation de l’esprit sur un objet qui occupe
toute l’attention et de ce fait détourne l’énergie de l’esprit devant être
rendue disponible pour la concentration sur le divin. En soi, l’attachement ne
nous mène pas à un quelconque enfer ni punition divine, mais c’est un
automatisme du mental qui nous fait choisir par défaut tout autre objet que
celui essentiel de la quête : le divin. Orienter notre attention vers ce
qui nous attire en terme de confort, de possession, d’attribution personnelle,
de préférence et aussi de contrôler notre vie à éviter ce qui ne remplit pas
ces critères de confort, absorbe notre attention dans un jeu qui draine notre
énergie hors de la Source.
La peur quant à elle, est
un obstacle, elle nous empêche de nous affranchir de nos limitations, car nous
avons le sentiment alors de perdre nos identifications à notre individualité,
notamment le corps. Notre raison, par le biais du mental nous conduis à prendre
peur et interprète l'expérience comme une possible perte du corps. C'est un
garde fou en même temps, mais il faudrait arriver à remplacer la peur qui est un
garde fou primaire, par le discernement, qui peut se définir comme étant un
garde fou à un niveau psychique de l'être, un garde-fou supérieur. Un
discernement absolu qui nous permettrait d'observer le contenu de l'expérience
tel qu'il est, à autant de niveaux que possible, sans interprétation mentale,
et du coup nous permettrait de faire le choix de vivre l'expérience aussi
complètement que possible ou de faire le choix de rester en retrait et de s'y
préparer pour une prochaine fois, ou bien de constater la nature de cette
expérience, ses caractéristiques, là où elle conduit et ce qu'on peut en
retirer en terme de gain de conscience et d'évolution spirituelle et de choisir
de s'y plonger ou de prendre une autre direction, ou que cette expérience de
dissolution soit un élément déclencheur de prise de conscience de l'importance
du corps et de sa transformation dans l'évolution spirituelle. Ce serait certes
l'idéal d'avoir toutes ses capacités de discernement et de possibilités de
choix dans le processus de l'expérience et de la recherche spirituelle, mais
avant d'arriver à ce niveau de maîtrise il y a beaucoup d'entrainement à faire.
Entrainement à la méditation, à aspirer, à observer sans attachement à aucune
expérience que ce soit, ni ressentiment vis-à-vis d'aucune non-expérience, à
priori "non-expérience". A priori, car notre faculté de jugement
entache même notre capacité d'évolution spirituelle par notre désir de vouloir
obtenir une expérience particulière ou d'y revenir et à être à côté de l'expérience
de ce qui est lorsque ce que nous vivons ne correspond pas à notre
attente vis-à-vis de l'idée que nous nous faisons du chemin pour obtenir telle
ou telle expérience ou à revenir à telle ou telle expérience particulière. Ce
qui non seulement ne garantit pas de pouvoir y revenir, mais en plus nous
ralentis, nous entrave dans la possibilité de vivre d'autres expériences et
accéder à de plus vastes réalisations spirituelles. Nous empêchons par là même
le divin de se manifester tel qu'il le ferait de façons plus directes et
entière et essayons de superviser notre être psychique et notre sadhana par
notre mental alors que le vrai mouvement serait de pouvoir laisser l'être
psychique superviser tout notre être dans une ouverture complète et toujours
vive et claire. Nous aurions l'attitude la plus juste qui soit alors: c'est
d'être toujours dans une dynamique d'éveil, c'est à dire de pouvoir se laisser
surprendre par de nouvelles illuminations de notre conscience et avoir
l'humilité de constater que le divin a de multiples aspects et que nous pouvons
nous y ouvrir et y aspirer en restant humble vis-à-vis du voyage sans fin que
constitue l'aventure de la conscience, et à laisser être ce qui est dans un
parfait abandon.
Sylvère