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06/05/2016

De l’origine et de la vérité des sciences




De l'antique Sagesse de l'Italie, chp. I

§ I.De l’origine et de la vérité des sciences.

Giambattista Vico [1668-1744]



De ces idées des anciens sages de l’Italie touchant le vrai, et de la distinction qu’établit notre religion entre le fait et l’engendré, nous tirons d’abord cette conséquence, que si la parfaite vérité est en Dieu seul, nous devons tenir pour complètement vrai ce qui nous est révélé de Dieu, et ne pas chercher comment peut être vrai ce que nous ne pouvons comprendre en aucune manière. Ensuite nous pouvons remonter à l’origine des sciences humaines et enfin obtenir une règle pour reconnaître celles qui sont vraies. Dieu sait tout, parce qu’il contient en soi les éléments dont il fait toutes choses ; l’homme les divise pour les savoir ; aussi la science humaine est comme une anatomie des ouvrages de la nature. En effet, si nous voulons prendre des exemples, elle a partagé l’homme en corps et âme, et l’âme en intelligence et volonté ; elle a distingué du corps, ou, comme on dit, abstrait la figure et le mouvement, et de ces propriétés comme de toutes choses, elle a tiré l’être et l’un. La métaphysique considère l’être, l’arithmétique l’un et sa multiplication, la géométrie la figure et ses dimensions, la mécanique le mouvement du dehors, la physique le mouvement qui part du centre, la médecine étudie le corps, la logique, la raison, la morale, la volonté. Il est arrivé de cette anatomie des sciences comme de celle qui s’exerce journellement sur le corps humain : les anatomistes difficiles à contenter conservent bien des doutes sur la situation, la structure et les fonctions des parties, et craignent que la mort solidifiant les liquides, interrompant le mouvement, que le scalpel altérant ce qu’il divise, le véritable état des organes ne soit plus observable non plus que leurs fonctions. Cet être, cette unité, cette figure, ce mouvement, ce corps, cette intelligence, cette volonté, sont autres en Dieu où ils ne font qu’un, autres dans l’homme où ils sont divisés. Ils vivent en Dieu, et dans l’homme ils sont morts. Car si Dieu est éminemment toutes choses, comme parlent les théologiens chrétiens, et si la génération et la corruption perpétuelle des êtres ne le changent en rien, puisqu’elles ne l’augmentent ni ne le diminuent, les êtres finis et créés sont des modifications et des dispositions de l’être infini et éternel, en sorte que Dieu seul est vraiment l’être, et que tout le reste est de l’être à proprement parler.


Aussi Platon, lorsqu’il parle de l’être d’une manière absolue, veut faire entendre la Divinité. Mais qu’est-il besoin du témoignage de Platon, quand Dieu s’est défini lui-même : Je suis celui qui suis, celui qui est, tout le reste n’étant rien auprès de lui. Nos ascètes, nos métaphysiciens chrétiens proclament de même que les plus grands d’entre nous, quelle que soit la cause de leur grandeur, ne sont rien devant Dieu. Et comme Dieu est la seule véritable unité, parce qu’il est infini et que l’infini ne peut se multiplier, l’unité créée s’anéantit devant lui ; et le corps comme tout le reste, parce que l’immense ne souffre point de mesure ; le mouvement, qui est déterminé par le lieu, périt avec le corps ; car c’est le corps qui remplit le lieu ; notre raison humaine périt ; car, puisque Dieu a en lui-même les objets de sa pensée, et qu’il a tout présent, ce qui est en nous raisonnement est œuvre en Dieu ; enfin notre volonté fléchit ; mais comme Dieu ne se propose d’autre fin que lui-même, et comme il est parfaitement bon, sa volonté est irrésistible.


Nous trouvons la trace de ces opinions dans des locutions latines ; car le mot même minuere exprime à la fois diminution et division, pour dire que les choses divisées ne sont plus les mêmes qu’à l’état de composition, mais qu’elles sont amoindries, altérées, corrompues. Est-ce par cette raison que la méthode analytique, comme on l’appelle, qui procède par genres universaux et par syllogismes, et dont se servent les aristotéliciens, est convaincue d’impuissance ; que la méthode des nombres qu’enseigne l’algèbre est une méthode de divination ; que la méthode qui agit par le feu et la décomposition, celle de la chimie, est une méthode d’essai ? L’homme, marchant par ces voies à la découverte de la nature, s’aperçut enfin qu’il ne pouvait y atteindre, parce qu’il n’avait pas en lui les éléments dont les choses sont formées, et cela par suite des limites étroites de son esprit, pour qui toute chose est en dehors et au delà ; il sut alors utiliser ce défaut de son esprit, et par l’abstraction, comme on dit, il se créa deux éléments : un point qui pût se représenter, et une unité susceptible de multiplication. Deux fictions. Car le point, si on le figure, n’est plus un point, et l’unité qu’on multiplie n’est plus une unité. En outre, il partit de ces bases, comme il en avait le droit, pour aller jusqu’à l’infini, prolongeant les lignes dans l’immensité et poussant dans l’innombrable la multiplication de l’unité. De cette manière, il se construisit un monde de formes et de nombres qu’il pût embrasser tout entier. En prolongeant, divisant ou assemblant des lignes, en ajoutant, retranchant et combinant des nombres, il produit des choses infinies, parce qu’il connaît en lui-même des vérités infinies. Il faut de l’action, non pour les problèmes seuls, mais pour les théorèmes eux-mêmes, que l’on croit vulgairement appartenir à la contemplation pure. En effet, puisque l’esprit rassemble les éléments du vrai qu’il contemple, il est impossible qu’il ne fasse pas le vrai qu’il connaît. Or, comme le physicien ne peut définir les choses selon la vérité, c’est-à-dire assigner à chaque chose sa nature et la faire selon le vrai (ce qui est le privilège de Dieu), il définit les mots, et, à l’exemple de la divinité, il crée sans matière (comme Dieu crée de rien) le point, la ligne, la surface. Il désigne par le mot de point ce qui n’a pas de parties, par celui de ligne la marche et la trace du point, ou la longueur sans largeur et sans profondeur ; il appelle surface la rencontre de deux différentes lignes, qui font une largeur accompagnée de longueur sans profondeur. Ainsi, comme il lui est refusé de saisir les éléments dont les choses tirent leur réalité, il se crée des éléments nominaux, d’où sortent les idées par une déduction inattaquable.


Cela n’a pas échappé aux sages auteurs de la langue latine ; nous savons que les Romains disaient indifféremment quæstio nominis et definitionis, question de nom et de définition ; ils pensaient chercher la définition lorsqu’ils cherchaient ce que le mot réveillait dans l’esprit de tous. On voit par là qu’il en a été de la science humaine comme de la chimie. De même que celle-ci, en poursuivant un but frivole, a enfanté, sans le vouloir, un art très utile à l’humanité, de même la curiosité humaine, en s’attachant à la recherche d’un vrai qui lui est interdit, a produit deux sciences très utiles à la société : l’arithmétique et la géométrie, qui lui ont donné à leur tour la mécanique, la mère de tous les arts nécessaires à l’espèce humaine. La science humaine est donc née du défaut de l’esprit humain, qui, dans son extrême limitation, reste en dehors de toutes choses, ne contient rien de ce qu’il veut connaître, et par conséquent ne peut faire la vérité à laquelle il aspire. Les sciences les plus certaines sont celles qui expient le vice de leur origine, et s’assimilent comme création à la science divine, c’est-à-dire celles où le vrai et le fait sont mutuellement convertibles.

De tout ce qui précède on peut conclure que le criterium du vrai, et la règle pour le reconnaître, c’est de l’avoir fait ; par conséquent, l’idée claire et distincte que nous avons de notre esprit n’est pas un criterium du vrai, et elle n’est pas même un criterium de notre esprit ; car en se connaissant, l’âme ne se fait point, et puisqu’elle ne se fait point, elle ne sait pas la manière dont elle se connaît. Comme la science humaine a pour base l’abstraction, les sciences sont d’autant moins certaines qu’elles sont plus engagées dans la matière corporelle. Ainsi la mécanique est moins certaine que la géométrie et l’arithmétique, parce qu’elle considère le mouvement, mais réalisé dans des machines ; la physique est moins certaine que la mécanique, parce que la mécanique considère le mouvement externe des circonférences, et la physique le mouvement interne des centres. La morale est moins certaine encore que la physique, parce que celle-ci considère les mouvements internes des corps, qui ont leur origine dans la nature, laquelle est certaine et constante, tandis que la morale scrute les mouvements des âmes, qui se passent à de grandes profondeurs, et qui proviennent le plus souvent du caprice, lequel est infini. En outre, en physique, les théories sont reçues pour vérités, du moment qu’on peut faire quelque chose qui s’y rapporte. C’est pour cela que les théories sur la nature passent pour les plus importantes, et sont accueillies de tout le monde avec la plus grande faveur, si on y ajoute des expériences qui offrent une imitation de la nature.


Pour tout dire en un mot, le vrai est convertible avec le bon, si ce qui est connu comme vrai tient son être de l’esprit par lequel il est connu, et que la science humaine imite ainsi la science divine, par laquelle Dieu, en connaissant le vrai, l’engendre à l’intérieur dans l’éternité, et le fait à l’extérieur dans le temps. Quant au criterium du vrai, c’est pour Dieu de communiquer la bonté aux objets de sa pensée (vidit Deus, quod essent bona), de même c’est pour les hommes d’avoir fait le vrai qu’ils connaissent. Mais pour fortifier ces principes, il faut les assurer contre les attaques des dogmatiques et des sceptiques.



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